Yuna Conan
Session Novembre 2018

Un équipement municipal d’agriculture urbaine et d’alimentation durable et solidaire


  • Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Bien sûr, j’ai 44 ans, je suis originaire de Bretagne et aujourd’hui habitante de Montreuil en Seine-Saint-Denis depuis 18 ans. J’ai 3 ados et suis investie dans beaucoup de projets participatifs, coopératifs, partagés.

  • Quelle est ta formation initiale ?

J’ai suivi une formation en deux temps. Après une Hypokhâgne et une Khâgne à Rennes, je me suis d’abord dirigée vers des études en sciences humaines et sociales qui ont abouti à un master de gestion de projets culturels et sociaux européens, avec des premières expériences dans le milieu culturel international. Prise de passion pour les questions de la fabrique urbaine, j’ai repris mes études et me suis réinscrite en Master d’Urbanisme à l’IFU, que j’ai obtenu en 2009.

  • Quels ont été les principaux postes que tu as occupés ?

 Mes premières expériences, notamment à l’Institut Français de Francfort en Allemagne, relevaient de la gestion de projet dans les domaines du spectacle vivant, de l’éducation populaire et de la littérature jeunesse. Un peu par hasard, j’ai rejoint le super réseau d’Europan, un concours européen d’architecture, où j’ai eu la chance de coordonner des événements dans plusieurs villes d’Europe pendant près de 10 ans.  Une expérience inoubliable ! Après une année de césure au Mexique avec nos trois jeunes enfants pendant laquelle j’ai eu la chance de mener de projets de recherche et surtout de m’investir dans des projets écologiques et sociaux, j’ai coordonné un master au département Génie Urbain à Marne La Vallée, puis ai vite rejoint l’Institut pour la Ville en Mouvement (IVM) où j’étais cheffe de projets senior de programmes internationaux en lien avec la Fabrique de la Ville et les mobilités. Et me voici directrice de La Cité Maraîchère depuis janvier 2020 !

  • Quel a été l’élément déclencheur qui t’a amenée à te lancer dans un projet de tiers-lieu ?

Depuis toujours, j’ai rêvé de travailler dans un lieu. Étudiante, je fréquentais beaucoup les petits théâtres et les cafés-librairie, notamment un à Clermont-Ferrand qui m’a marquée. J’y aimais l’ambiance. J’ai aussi adoré les petits boulots de serveuse que j’ai pu faire étudiante. J’ai beaucoup apprécié développer des projets collectifs, artistiques ou de recherche-action, il manquait cependant l’ancrage dans un lieu. Mon engagement sur les enjeux écologiques s’est aussi affirmé au fil des années, et en 2018 j’ai décidé de m’y consacrer professionnellement. Ma rencontre avec Mélinée, avec laquelle j’avais travaillé sur une exposition, et mon départ de l’IVM ont été les éléments déclencheurs. On se complétait bien, elle avait un profil et un parcours plus artistique, moi peut-être plus écologique. Elle avait déjà fait la formation du Campus des Tiers-Lieux, et m’a embarquée dans l’aventure !

  • Quel était ton projet avant de participer à la formation du Campus des Tiers-Lieux ?

 L’idée était de créer un tiers-lieu autour du zéro déchet – un peu une obsession chez moi -, et de nous installer dans un quartier populaire de Nantes.

  • Qu’attendais-tu de cette formation ?

Dès l’été 2018, on s’est lancé dans l’écriture du projet et très rapidement, on a été sélectionné dans la première « Fabrique » d’Openlande, un incubateur nantais. Une petite bourse nous a permis de faire les déplacements pendant le temps de l’accompagnement – 3 mois – temps que l’on s’était donné pour confirmer ou non notre projet de tiers-lieu mais aussi de déménagement – toutes les deux avec nos petites familles – à Nantes.

  • Qu’est-ce que la formation au Campus des Tiers-lieux t’a apporté ?

J’ai fait la formation du Campus des Tiers-Lieux en novembre 2018, qui m’a apporté beaucoup d’outils en complément de l’accompagnement – plus lâche – dont on bénéficiait à Openlande. C’était une belle remise à niveau en gestion de projet. Et surtout – comme c’était le cas avec Openlande – une approche entrepreneuriale.

  • Pourquoi le projet de tiers-lieu à Nantes a-t-il été abandonné ?

Si cette parenthèse nantaise a été très enrichissante, elle nous a permis aussi de nous rendre compte que les défis étaient trop nombreux et que surtout, la recherche d’un lieu sans beaucoup de réseau et à distance, s’avérerait très compliqué. Nos contextes familiaux ne facilitaient pas les choses. Finalement, Mélinée est partie vivre dans le sud – son projet initial – l’été suivant et moi j’ai décidé d’investir toutes les idées que l’on avait développées en Seine-Saint- Denis, département avec une dynamique incroyable en économie sociale et solidaire.

  • Comment as-tu rebondi après cela ?

Début 2019, je me suis mise en indépendante via la coopérative Coopaname et me suis rapprochée des réseaux d’Emmaüs, qui aujourd’hui développent beaucoup de tiers-lieux solidaires. J’ai alors fait la rencontre de Yann Fradin, Directeur de l’association ESPACES, une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) incroyable… qui accompagnait la Ville de Romainville dans la mise en place de la Cité Maraîchère, alors même que le chantier commençait. D’abord bénévole puis prestataire, j’ai fini par piloter la réponse à l’appel d’offres, la Ville souhaitant alors confier l’exploitation du lieu à une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE).

  • Ça se passe comment un appel d’offres ?

Entre septembre et novembre 2019, on a préparé la réponse à l’appel d’offre avec Espaces, s’afférant à un cahier des charges concernant tous les aspects du projet – exploitation maraîchère, restauration, animations, insertion… On a rendu un dossier très complet, mais notre proposition de prix excédait le budget prévu par la Ville.  En janvier 2020, celle-ci déclare le marché infructueux et décide que l’exploitation de la Cité Maraîchère se fera en régie. On est complètement découragé… Peu de temps après, revirement : la Ville m’appelle pour me proposer le poste de directrice. J’ai beaucoup apprécié la réaction de Yann Fradin qui m’a alors félicitée et encouragée à accepter, ce que j’ai fait.

  • Peux-tu présenter le projet ?

 C’est une ferme verticale située dans un quartier populaire à Romainville, associant exploitation maraîchère, sensibilisation à l’écologie et à l’alimentation durable et café-cantine. C’est aussi et surtout un lieu de vie pour le quartier et un chantier d’insertion.

  • Le lieu est aujourd’hui ouvert : comment ça s’est passé et où en es-tu ?

Le bâtiment a été livré en février 2021, la production a été lancée en mars, les ateliers pédagogiques ont commencé et le café-cantine ouvrira en octobre, exploité lui par des CHEFFES !, recrutées via un appel à projets. Depuis près d’un an, il a fallu tout mettre en place, recruter les équipes, définir le budget mais surtout, avec la nouvelle équipe municipale arrivée en juillet 2021, travailler sur le modèle économique, mettre en place le chantier d’insertion, les ateliers pédagogiques et une première programmation éco-culturelle… Les premiers retours sont bons, notamment sur les ventes de légumes depuis juillet dont les tarifs sont fonction des revenus des habitants. On est maintenant une équipe de 15 personnes !

  • Quels sont les liens et rapports avec la Mairie ?

La Cité Maraîchère est un équipement municipal comme pourrait l’être un théâtre ou une piscine. Je suis sous la direction du Directeur Général des services et j’ai un élu référent qui donne les orientations politiques. Un comité de pilotage a été mis en place en mai dernier, qui se réunit chaque semaine, piloté par le Maire, notamment pour travailler sur le modèle économique du lieu et son implication dans la nouvelle Agence Communale de la Transition Écologique (ACTES) qui porte le chantier d’insertion à l’échelle de la Ville, l’enjeu étant au terme de la mandature de créer une centaine de postes en insertion en lien avec la transition écologique et solidaire.

  • C’est quoi la prochaine étape ?

L’objectif est à court terme de finaliser le modèle économique et une présentation par le Maire du nouveau projet porté par l’équipe municipale. A moyen terme : la montée en puissance des activités, avec le déploiement de l’ensemble des ateliers et événements. Le grand défi est que la Cité Maraîchère devienne un vrai lieu de vie pour tous.te.s les habitant.e.s ! Et pour cela on attend bien sûr avec une grande excitation l’ouverture du café-cantine, le 11 octobre prochain !

  • Un mot, un conseil pour clôturer cette interview ?

 Ce serait peut-être d’encourager à développer des réseaux, créer des synergies, lancer des pistes… tout finit souvent par revenir d’une manière et d’une autre et avoir du sens… Il faut aussi être endurant et savoir gérer une multitude de sujets variés, tout en gardant la tête froide et sans perdre le sens que l’on veut donner au projet. 

Suivez toute la montée en puissance de l’activité ici

Toutes les images sont la propriété de la Ville de Romainville.